MOTION votée au CA de Paris 6 du 16/06/03
(23 pour, 10 contre, 5 abstentions, 1 refus de vote)
Le gouvernement a clairement manifesté sa volonté
de modifier radicalement le cadre législatif qui fonde le
Service Public d'Enseignement Supérieur (discours du ministre
Luc Ferry au colloque de Poitiers, le 21 mars 2003 - avant-projet de
loi "sur l'autonomie des établissements d'enseignement
supérieur", présenté au CNESER le 19 mai 2003 -
nouvelle version dite "de modernisation universitaire" du 26 mai 2003).
A marche forcée, dans la confusion, sans débat
démocratique à hauteur de l'enjeu, une transformation
majeure s'amorce, alliant la mise en place de "l'architecture commune
de référence pour les formations et les
diplômes décidée au niveau européen"
à des constructions inspirées par l'idéologie
libérale.
Notamment :
1- La création de nouvelles entités, les
Etablissements Publics de Coopération Universitaire (EPCU),
à la géométrie la plus ouverte qui soit, puisque
agrégeant des établissements sous la seule condition
qu'ils "participent aux services publics", préfigure la
naissance de super-établissements, éventuellement
transnationaux, largement ouverts aux établissements
privés.
Ces nouvelles personnes morales, auxquelles les moyens financiers,
en personnels et matériels, des universités
absorbées seraient transférés, recevant
directement des moyens de l'Etat, administrées par un conseil
non nécessairement élu, et placées sous la tutelle
d'un Comité d'Orientation Stratégique formé de
personnalités désignées, françaises ou
étrangères, "représentant notamment les
collectivités territoriales, le monde économique et
social et les intérêts scientifiques", constitueraient un
moyen renforce de pilotage autoritaire par les pouvoirs
politiques, économiques et scientifiques locaux, nationaux,
voire européens.
2- La possibilité pour tout établissement
d'enseignement supérieur de se transformer en Université
de Technologie (puisque la seule contrainte est que "le flux annuel
d'entrées dans" ses "filières de formation des
ingénieurs et des cadres des entreprises et des
administrations soit au moins égal à cinq cents
étudiants") permettrait l'extension, voire la
généralisation, de la sélection, de la
déréglementation des droits, et favoriserait
l'intervention directe du patronat.
3- La fusion des dotations de fonctionnement et
d'équipement avec "les crédits de personnels" dans la
dotation de l’Etat, "assortie du plafond des emplois que
l’établissement est autorisé à
rémunérer" sur ces crédits, ouvrirait la voie au
transfert des dépenses salariales vers d'autres postes
budgétaires, à des recrutements "sur contrats a
durée indéterminée", à des recrutements et
des promotions soumis aux moyens inégaux et variables des
établissements. Le "transfert en pleine
propriété", aux établissements qui en feraient la
demande, "des biens immobiliers qui leur sont affectés ou mis
à leur disposition" serait aussi un facteur
d'inégalité entre les établissements
riches, qui pourraient ainsi s'embellir et croître, et les
pauvres qui n'en seraient que plus contraints.
Le désengagement financier de l'Etat, que les deux points
précédents illustrent, reporterait in fine les charges
sur les fonds propres des établissements (à charge pour
eux de les augmenter), sur les collectivités territoriales, sur
les personnels et les usagers.
4- Le recul profond de la vie démocratique des
établissements et de la responsabilité de leurs
équipes de direction devant les conseils, au profit de
"décideurs" encore plus éloignés des usagers et
des personnels, serait une régression eu égard aux
exigences démocratiques modernes.
5- La réduction des diplômes nationaux à des
diplômes "bénéficiant de la garantie de l'Etat"
d'une part, la possibilité d'en délivrer ouverte à
des établissements privés d'autre part, serait un
élément majeur de la mise en concurrence des
établissements, de leur hiérarchisation, de l'ouverture
au privé.
Le Conseil d'Administration de l’Université Pierre et
Marie Curie (Paris 6) considère que, si les dispositions
législatives des projets gouvernementaux entraient en vigueur,
- le démantèlement du Service Public
d'enseignement supérieur et de recherche serait engagé;
- le principe de l'égalité
d'accès aux formations et à la recherche serait remis en
cause;
- les inégalités, entre personnes,
entre personnels, entre régions se développeraient.
En conséquence, il
demande le retrait du projet de loi Ferry - Raffarin.
Le Conseil d'Administration de l’Université Pierre et
Marie Curie (Paris 6) considère que la hauteur de l'enjeu,
concernant aujourd'hui le Service Public d'enseignement
supérieur et de recherche, impose des débats sereins
associant toutes les forces vives de notre pays.
En conséquence, il
demande que, dès maintenant, toute mesure soit prise pour que le
débat se développe dans notre établissement;
au-delà, qu'une consultation de tous les membres de la
communauté universitaire soit lancée; et enfin qu'un
débat national, sur les enjeux, soit ouvert largement.
Le Conseil d'Administration de l’Université Pierre et
Marie Curie (Paris 6) mandate ses représentants et, en premier
lieu, le Président de l’Université pour qu'ils fassent
connaître ces deux demandes partout où à ce titre
ils sont porteurs de la réflexion de notre université.